13 août 2021

Arsène Lupin joue et perd (813)

 

 

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Arsène Lupin joue et perd (813) téléfilm d’Alexandre Astruc (1981)


Pour une raison mystérieuse, le baron de Kesselbach cherche la trace d’un certain Pierre Leduc. Il a tissé pour cela un réseau compliqué où se mêlent truands et détectives privés.

Alors qu’il attend la visite de l’un de ses acolytes, il a la mauvaise surprise de voir arriver à sa place Arsène Lupin qui le réduit rapidement à l’impuissance et lui fait avouer la combinaison de son coffre au Crédit Lyonnais. Dans ce coffre, les complices de Lupin trouve une cassette pleine de diamants, mais également une feuille de papier sur laquelle sont inscrites les cinq lettres APOON accompagnant ces quelques mots « 1 mètre 75 et petit doigt coupé ».

Le lendemain, le cadavre de Kesselbach est retrouvé sur les lieux et dans la position où Lupin l’avait laissé. Comme il a sur lui la carte du gentleman-cambrioleur, les enquêteurs concluent à la culpabilité de celui-ci. L’inspecteur Lenormand, chef de la sûreté, lui, n’y croit pas.

Le roman-feuilleton, genre décrié tant en littérature qu’au cinéma, est un exercice de style : rythme soutenu, coups de théâtre en cascade et style un peu redondant sont à la fois ses armes et ses attributs propres. Contrairement à une idée largement répandue, le roman-feuilleton, s’il fait partie de la « littérature de gare » facile à lire, demande un certain soin dans son élaboration et dans son écriture.

Quant à son adaptation, que ce soit pour la télévision ou pour le cinéma, il s’agit d’un exercice périlleux sur lequel plus d’un réalisateur s’est cassé les dents.

C’est Alexandre Astruc qui laisse ici les siennes. Dans cette superproduction télévisuelle, tout sent l’opulence : décors soignés, reconstitution d’époque pointilleuse, distribution prestigieuse (de François Maistre à Jacques Dacqmine et de François Perrot à Hubert Deschamps, sans oublier Anton Driffing campant avec sa prestance habituelle un très plausible Guillaume II).

Arsène Lupin, c’est Jean-Claude Brialy qui, vingt ans après, reprend le rôle qu’il avait tenu chez Molinaro (Arsène Lupin contre Arsène Lupin). Il a la prestance du personnage son humour et sa décontraction… jusqu’au moment où Arsène Lupin se sent dépasser par les évènements. Le désarroi du personnage gagne alors l’interprète et le réalisateur, puis le spectateur qui se perd alors complètement entre les affèteries de réalisation et un scénario maladroit.

Du très dense 813 de Maurice Leblanc, Laudenbach et Astruc ont tiré un scénario interminable cumulant bévues et invraisemblances. Et puis, même si le roman est le plus long de la série des romans consacrées au gentleman-cambrioleur, ne pouvait-on faire plus court que ces quelques six heures ?

Certes, on est très loin au-dessus de la nullissime série télévisée dans laquelle le gentleman devenait fat sous les traits falots du médiocre Descrières et l’ambiance très « pré-brigades du Tigre » serait assez réussie sans ce manque de rythme et sans ce scénario qui se prend les pieds dans le tapis.

Et puis ce qui rend Arsène Lupin inadaptable à l’image, c’est qu’il est le roi du « transformisme » et qu’il eut fallu autre chose qu’un vague maquillage et que, par exemple, la mention au générique d’un nom fantaisiste dans le rôle de Lenormand (Jean-Jacques Algarron) pour ne pas reconnaître Brialy-Lupin.

Tous ces défauts agacent et finissent par l’emporter. C’est bien dommage !

13 juillet 2021

Le Comptable d’Auschwitz

 

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The Accountant of Auschwitz (Le Comptable d’Auschwitz)

de Matthew Shoyshet (2018)

Oskar Gröning avait 21 ans et le grade d’unterscharführer (sergent) lorsqu’il fut nommé responsable du triage des biens et des valeurs des déportés de Birkenau au moment même de leur assassinat.

Témoin de tout le processus d’extermination, il sortit de l’anonymat dans les années 70 – anonymat dans lequel il s’était volontairement plongé –, au moment où apparurent les premières thèses négationnistes contre lesquelles il apporta son témoignage.

C’est ainsi qu’il attira l’attention sur lui et qu’il fut condamné le 15 juillet 2015, à l’âge de 94 ans, pour « complicité » dans le meurtre de 300 000 Juifs à quatre ans de prison.

L’effectif de la SS, tous grades confondus, se montait, au plus fort, à 800 000 agents. Seul un huitième de cet effectif fit l’objet d’une enquête entre 1945 et 1946. 6200 furent mis en cause et 124 furent reconnus coupables de meurtres et condamnés.

Le documentaire de Matthew Shoyshet pointe du doigt l’Allemagne d’après-guerre qui traîna franchement des pieds pour faire comparaître des SS mis en cause après de sérieuses enquêtes.

Il faut dire que les juges allemands avaient été nommés par les nazis et pas mal d’entre eux étaient assez « sympathisants ». Et puis, il y avait le problème des deux pays séparés, RFA et RDA.

Car si l’Allemagne avait fait son travail dans les années 50, on ne serait pas obligé après avoir laissé d’authentiques saloperies réellement nazies mourir de leur belle mort dans leur lit d’aller chercher, 70 ans après, des vieillards cacochymes qui « ne se souviennent plus très bien » et qui, à l’époque, étaient trop jeunes et trop « peu gradés » pour avoir fait partie des concepteurs et responsables de « La solution finale » et, par là même, ne pouvaient pas être considérés comme des « criminels contre l’humanité » selon la définition qu’en ont donné les procès de Nuremberg en 1946.

L’argument éculé selon lequel vous ne pouviez pas refuser une mutation dans un camp de concentration et, à fortiori, d’extermination, ne tient pas : on sait qu’aucun SS n’eut jamais à souffrir d’avoir refusé une affectation[1]. « La glorieuse page d’Histoire qui ne sera jamais écrite » comme Himmler qualifiait « La solution finale » ne pouvaient, selon l’entourage du chef de la SS, être exécutée que par des volontaires nazis convaincus… et zélés.

Les « lenteurs de la justice » n’ont pas seulement favorisé la « fuite dans la mort » des vrais responsables, mais elles ont permis à d’autres de jouer sur les handicaps du grand âge, handicaps réels ou simulés dans certains cas comme le simula, pendant son procès, John Demjanjuk, celui qu’on a pris pendant longtemps pour « Ivan le terrible », un ignoble tortionnaire au sein du camp d’extermination de Treblinka, mais qui n’était « QUE » un ignoble tortionnaire au sein du camp d’extermination de… Sobibor.

Il est beaucoup question de Demjanjuk dans ce film consacré à Oskar Gröning qui ne fut pas, lui, un sadique à qui le nazisme offrit l’opportunité d’assouvir ses instincts de sociopathe.

Il est même un peu trop question de Demjanjuk ici et on perd de vue le cas de Gröning.

Le Comptable d’Auschwitz est un documentaire sobre de 95 minutes, ce qui le rend infiniment supérieur à l’interminable « mini-série » de près de quatre heures découpées en cinq épisodes consacré, directement cette fois, à Demjanjuk.[2]



[1] Cela dit, ils pouvaient le craindre, même si la crainte était sans fondement réel. Concernant Gröning, il semble toutefois que, réellement éprouvé par certaines scènes d’horreur auxquelles il assista, il fit une demande de mutation qui fut tout simplement refusée.

[2] The Devil Next Door (Procès d’un bourreau) de Yossi Bloch et Daniel Sivan (2019).

Arsène Lupin joue et perd (813)

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